Marcelin BERTHELOT, Notice sur les origines et sur l'histoire de la Société Philomathique
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- Catégorie : Histoire
La Société Philomathique atteint son centenaire en 1888, presque à la même date que la Révolution française, et cette coïncidence n'est pas fortuite ; car la Société Philomathique, quelque modeste qu'ait été sa destinée, n'en a pas moins été fondée sous l'impulsion du grand mouvement d'idées rationnelles et humanitaires, qui a présidé à la transformation de nos institutions vers la fin du XVIIIe siècle. La conception qui a inspiré sa création a été si juste d'ailleurs, que la Société a persisté et est demeurée vivante et active, à travers les changements de régime traversés par la France depuis un siècle.
Elle a joué quelque rôle dans l'histoire de la Science française, dont elle a compté dans son sein les principaux représentants et accueilli les découvertes. Elle a été pendant longtemps l'un des organes essentiels de la publicité scientifique. Quoique dans ces derniers temps le grand développement des connaissances modernes et la multiplication de leurs adeptes ait eu pour conséquence leur répartition entre un grand nombre de Sociétés nouvelles analogues, mais plus spécialisées, la Société Philomathique n'en a pas moins conservé une importance réelle.
En raison de ces circonstances, les Membres de la Société ont pensé qu'il y aurait un certain intérêt à en retracer brièvement l'histoire et ils ont confié ce soin à l'un de leurs plus vieux Confrères [en 1888, M. Berthelot a 61 ans]. Membre de la Companie depuis 1855, j'en ai suivi les travaux, d'abord comme titulaire, puis comme honoraire, et j'ai recueilli dans ma jeunesse les traditions des vieillards d'alors, dont plusieurs avaient connu les fondateurs. Les Archives de la Société renferment d'ailleurs des documents précis, qui permettent de reconstituer les phases successives de son organisation. C'est le tableau de ces origines que je me propose surtout de retracer; car, si l'on voulait procéder autrement, c'est-à-dire si l'on voulait résumer les découvertes qui ont été présentées à la Société, il faudrait entrer dans le vaste exposé des développements mêmes de la Science au XIXe siècle. Sujet immense et étranger à l'histoire particulière de notre Société! Elle n'a jamais revendiqué d'autre rôle que celui d'un simple organe de publicité désintéressée et d'émulation amicale, conformément à sa vieille devise :
« Étude et amitié. »
En 1788, quelques quelques jeunes gens, cultivant des sciences diverses, eurent l'idée de s'associer et de se réunir pour s'entr'aider dans leurs études, se communiquer ce qu'ils pourraient apprendre et recueillir, par leurs lectures ou autrement, et s'exciter au travail, « en prenant pour objet d'émulation le spectacle des progrès de l'esprit humain ». Les membres fondateurs qui se constituèrent ainsi, le 10 décembre 1788, étaient au nombre de six :
AUDIRAC, médecin ;
BRONGNIART, chimiste ; [Note Olivier HARDOUIN DUPARC avril 2024 : minéralogiste, géologue, paléontologue, zoologue.]
BROVAL, mathématicien ; ['chargé' de la culture mathématique au sein de la Société.]
PETIT, médecin ;
RICHE, naturaliste ;
SILVESTRE, physicien. [Non, mais agronome et gestionnaire de sociétés savantes.]
Ils embrassaient, comme on le voit, dans leurs études, l'ensemble des Sciences mathématiques, physiques et naturelles.
Les deux derniers semblent avoir été les promoteurs de l'Association, dont ils furent les premiers secrétaires. Les membres s'assemblaient chez l'un d'entre eux; ils venaient à tour de rôle rendre compte des publications nouvelles et discuter sans prétention les questions ainsi soulevées. Mais leur commerce n'était pas alimenté au début par des observations et expériences personnelles.
Dès 1789 (9 novembre), ils s'associèrent trois autres membres, dont le chimiste Vauquelin, ainsi que sept correspondants; deux autres membres, le 24 mars 1790, et quatre correspondants; enfin huit membres nouveaux, et sept (la liste dressée le 1er janvier 1792 n'en comprend que 5; mais Silvestre en nomme 7 dans son Rapport sur 1791, p. 143) correspondants, en 1791. Le cadre originel comprenait alors dix-huit membres (un Membre, Audirac, était mort en 1790) et seize correspondants; les uns et les autres agrégés au fur et à mesure, sans méthode ni règlement systématique. Ce fut alors que la Société se constitua d'une façon définitive.
Observons ici que celle constitution, sous l'ancien régime, aurait rencontré de grandes difficultés. Jusqu'aux temps de la Révolution, le pouvoir royal était jaloux de ses attributions et très peu favorable à l'organisation d'associations privées et de publications libres, même quand le caractère en était purement scientifique. Aucune réunion, surtout régulière et périodique, ne pouvant avoir lieu sans une autorisation ; aucune publication, sans l'octroi d'un privilège royal. On peut en avoir une idée en consultant les intéressants détails relatifs à la fondation des Annales française de Chimie, tentée par Adet en 1787 (Lavoisier, par E. Grimaux, p. 370. Alcan; 1888.). Malgré la recommandation de Lavoisier faite au nom de l'Académie, et celle de M. de Breteuil, ministre delà maison du Roi, le garde des sceaux, M. Miromesnil, ne voulut d'abord accorder le privilège d'impression et de vente que pour une traduction des Annales allemandes de Crell, et à la condition que le journal parût par numéros trimestriels. Il aurait fallu en outre une autorisation spéciale pour pouvoir mettre l'ouvrage en souscription, c'est-à-dire pour profiter du système le plus favorable à la vente d'un journal. Lavoisier, ayant insisté, rencontra un nouveau refus (10 septembre 1787). Les Annales de Chimie ne purent paraître qu'en avril 1789, couvertes par l'approbation et le privilège spécial de l'Académie des Sciences, et à un moment où les barrières des anciens règlements sur la police littéraire cédaient de toutes parts. Il fallait la chute imminente de l'ancien régime pour que la Science obtînt l'entière liberté de publier ses OEuvres.
On comprend par là pourquoi la Société Philomathique, quoique remontant en réalité par ses origines à 1788, ne prit cependant une forme régulière et une organisation publique que quelque temps après. Elle avait un premier règlement dès 1700, ainsi qu'on peut l'induire de la lecture des « Rapports généraux des travaux de la Société Philomathique de Paris, depuis son installation au 10 décembre 1788 jusqu'au 1er janvier 1792, par les citoyens Riche et Silvestre, secrétaires de la Société (le volume qui existe aux Archives sous ce litre est une réimpression, qui parait avoir été faite en l'an VIII (1800)) ». Le premier rapport ou analyse, daté du mois de mai 1790, porte sur les travaux de la Société pendant le premier semestre de son établissement; ce qui nous reporterait vers le mois de novembre 1789, époque à laquelle les six fondateurs s'associèrent en effet trois nouveaux membres et six correspondants. Telle serait la date véritable, à laquelle la Société Philomathique a commencé de fonctionner. Le nombre des membres n'était pas limité tout d'abord et les réunions n'admettaient point de personnes étrangères. C'est seulement pendant le second semestre de 1790 que l'on commence à parler (Riche, Exposé des travaux, etc., volume ci-dessus, p. 72.) des auditeurs convoqués aux séances et admis à discuter en commun. Celles-ci étaient alimentées par les membres et les correspondants chargés de présenter (Bulletin, t. I. Cet exposé, dû à Silvestre, a été fait dans le premier semestre de 1793; car il porte à la fois la mention des imprimeurs de l'Académie des Sciences, supprimée en août, et le nom de ces imprimeurs, précédé du mot citoyens, et leur adresse, rue Helvetius : double indication postérieure à la proclamation de la République) :
« 1° Une Notice de toutes les nouvelles découvertes;
» 2° Des Extraits d'Ouvrages nouveaux intéressants, français ou étrangers;
» 3° Des Rapports des principales sociétés savantes et des expériences qui se font dans les sciences que chaque associé cultive. »
La Société était ainsi un centre de correspondance active, entre des hommes animés d'un ardent désir de s'instruire par la communication réciproque de leurs connaissances.
Ce zèle pour la Science n'allait pas parfois sans quelques mécomptes.
C'est ainsi que Vauquelin, Silvestre et Riche, chargés de répéter l'expérience mémorable « dans laquelle M. Cavendish et ensuite M. Van Marum ont formé de l'acide nitreux, par la combinaison du gaz azote et du gaz oxygène, par l'étincelle électrique, déclarent avoir tenté vainement une longue suite d'expériences très variées, sans obtenir aucun résultat; quoique ayant fait tous leurs efforts pour imiter exactement les procédés des inventeurs ». Cependant l'expérience de Cavendish est facile à réaliser : on la répète aujourd'hui dans tous les cours publics. Mais l'insuccès des opérateurs précédents montre avec quelle réserve on doit accepter dans les Sciences les conclusions négatives.
Quoi qu'il en soit, l'œuvre de la Société Philomathique était éminemment utile et son rôle augmentait tous les jours. Elle s'efforçait de multiplier incessamment les services qu'elle rendait, en accroissant sa publicité. A ses séances hebdomadaires, tenues d'abord entre associés, puis avec adjonction d'auditeurs convoqués, elle ajouta des Rapports semestriels, faits par Riche, son secrétaire, en 1790; et suivis par les éloges d'hommes illustres, tels que l'abbé de l'Épée, le philanthrope Howard, étrangers à la Société; Audirac, l'un de ses membres fondateurs.
L'année suivante, elle perdit Riche, qui partit comme naturaliste, avec d'Entrecasteaux, dans l'expédition envoyé à la recherche de Lapérouse. Il ne devait plus prendre part aux travaux de la Société, car celle expédition, après diverses aventures et la mort de son chef, fut retenue prisonnière à Java par les Hollandais. Riche revint en France seulement en l'an V de la République et y mourut aussitôt, épuisé de fatigue, à l'âge de trente-cinq ans : la Société perdait en lui son principal fondateur et l'un de ses plus ardents promoteurs.
Il fut remplacé, comme secrétaire, par l'un de ses amis, Silvestre, qui avait concouru avec lui à fonder la Société et dont la destinée fut bien différente. Silvestre avait alors vingt-neuf ans. Il mourut soixante ans après, en 1851, nommé baron sous la Restauration, chargé d'ans et d'honneurs. C'est lui qui fit le Rapport des travaux de la Société pendant l'année 1791. Il y signale l'accroissement du nombre des membres, porté à 18 par l'adjonction de six nouveaux savants, et celui des correspondants, accru également jusqu'à 18 par sept nouveaux choix : tel était alors le nombre des associés de la Société Philomathique. Silvestre annonce en outre la création importante du Bulletin de la Société, lequel a duré jusqu'à notre temps, avec diverses vicissitudes qui seront retracées tout à l'heure.
Ce Bulletin, mensuel et manuscrit à l'origine, était envoyé aux membres et à tous les correspondants ; il contenait l'annonce des nouvelles découvertes dans les sciences et arts que la Société cultivait, leurs applications, la marche de ces sciences, l'exposition sommaire des travaux de la Société et de ceux de toutes les Sociétés savantes de Paris, qui lui avaient ouvert leurs séances. Silvestre ajoute ces mots, qui nous donnent la liste intéressante de ces Sociétés : « Plusieurs membres choisis par vous ont assisté constamment aux séances de l'Académie des Sciences, à celles des Sociétés de Médecine, d'Agriculture et d'Histoire naturelle »; et il parle des Rapports qu'ils ont faits. Il dit encore : « S'il m'eût été permis de vous présenter l'analyse de ces Rapports, ce résume sans doute eût été susceptible d'un bien grand intérêt; mais vous avez regardé la condescendance de ces corporations savantes comme une confidence dont le secret vous était hautement recommandé, et vous n'avez pas voulu les priver d'une portion de la gloire qui leur appartient, pour les découvertes et les méditations des membres qui les composent, en faisant connaître leurs principaux résultats. »
On voit par ces paroles combien à cette époque on était éloigne des idées que l'on a aujourd'hui sur la publicité des séances des Académies et des Société savantes. Tandis que maintenant, parmi les étrangers qui assistent à ces séances, un grand nombre n'ont pour objet que de livrer immédiatement au public, dans les journaux, le compte rendu de ce qui s'y est dit et passé : on regardait au contraire, en 1791, comme un devoir pour les assistants de garder le silence, sans en tirer d'autre avantage que celui de leur instruction personnelle, ou tout au plus de communiquer, dans le même but, aux membres des Sociétés analogues ce qu'ils avaient entendu. Cette discrétion relative avait ses avantages et ses inconvénients. Si le public en recueillait un moindre profit, si les auteurs n'en bénéficiaient pas immédiatement pour leur réputation personnelle; par contre, les séances offraient un caractère plus intime et plus favorable à la libre exposition des opinions et à la discussion sincère des vérités nouvelles. On ne craignait pas, comme aujourd'hui, de se hasarder et de se compromettre par des conjectures parfois aventureuses, que la malignité de l'auditoire est prompte à transformer en erreurs, au préjudice de la réputation de leurs auteurs.
Quoi qu'il en soit, le système d'un Bulletin manuscrit ne devait pas suffire longtemps à la Société. Nous possédons dans ses Archives le n°1 (juillet 1791) signé Brongniart, président, et Riche, secrétaire; les n° 2, 3, 4 (août, septembre, octobre), comprenant chacun environ deux ou trois pages, de diverses écritures, mal tenus et non signés. Les numéros se succèdent ainsi, non sans négligence, jusqu'au n° 13 (juillet 1792), lequel parut en retard avec cette mention finale : « Des deux copistes de la Société, l'un étant absent, l'autre fort occupé d'ailleurs, le Bulletin de juillet a été retarde jusqu'à ce moment; nous avons cru devoir y réunir celui d'août pour remplir les engagements que nous avons pris avec nos correspondants. » Mais, à partir des nos 10 et 17 (octobre et novembre 1792), le Bulletin est imprimé, ce système ayant paru préférable à la Société. Plus tard, en 1802, on imprima les cahiers manuscrits depuis 1791, en y supprimant quelques articles, et l'on y joignit la réimpression des cahiers, tirés d'abord a trop petit nombre jusqu'à l'an V de la République, Tel fut le Bulletin de la Société Philomathique, à ses débuts.
Cette publication ne suffit pas au zèle dévorant de Silvestre et de la Société. Dans son Rapport sur les travaux de l'année 1701, il annonce encore que la Société a ouvert des cours publics « destinés aux éléments des sciences… Tous vos associés se sont offerts, chacun dans sa partie, et déjà vous avez commencé à professer les mathématiques, la physique, l'astronomie; bientôt s'ouvriront des cours de chimie et de zoologie… »
Remarquons ces créations, dues à l'initiative privée, au début de l'année 1792; elles vont bientôt devenir le principal mode de propagation des sciences et la forme nouvelle de leur enseignement, par suite de la suppression des cours officiels des Universités et des Académies. Il est utile d'entrer à cet égard dans quelques détails, afin de montrer la position nouvelle de la question et de faire comprendre le rôle considérable pris un moment par la Société Philomathique (Ces détails sont tirés de l'utile Ouvrage de M. Liard : l'Enseignement supérieur en France, 1789-1889, t. I. [mais Louis Liard ne parle pas la Société philomathique dans son livre.]).
La destinée des Académies et Sociétés savantes et celle des établissements publics « le tout ordre et de toute nature avait subi à peu près les mêmes péripéties. Ils avaient eu le même sort que l'ensemble des anciennes institutions françaises, atteintes par la marche progressive de la Révolution. Frappés d'abord de divers côtés et affaiblis par la suppression des dîmes et des congrégations, ils avaient été dépouillés de leurs biens propres par la loi du 8 mars 1793 (portant effet à partir du 1er janvier 1793), laquelle ordonnait l'aliénation des « biens formant la dotation des Collèges, des Bourses et de tous les autres établissements d'instruction publique français »; en mettant d'ailleurs à la charge de la nation le payement des professeurs et instituteurs et l'entretien des bâtiments. En même temps les établissements d'instruction publique étaient placés sous l'autorité des directeurs et administrateurs départementaux.
Les Facultés de Médecine et de Droit avaient été dépouillées de leur autorité par la loi du 2 mars 1791, qui proclamait la liberté absolue des professions, sans condition légale d'études, de grades et de diplômes.
Un décret du 8 août 1793 supprima « toutes les Académies et Sociétés littéraires, patentées ou dotées par la nation ». Peu de temps après, la suppression légale des Universités, Facultés et Collèges, a comme voués à l'aristocratie et à la barbarie », fut prononcée par la Convention, le 15 septembre 1793, au moment du vote de la levée en masse et de la loi des suspects. La même loi les remplaçait par un système nouveau et mal défini d'instituts et de lycées, affectés de préférence à renseignement des sciences et de leurs applications. C'était au fond l'application mutilée d'un vaste plan de Condorcet. Mais ce décret fut remis en question dès le lendemain, comme reposant sur un malentendu, et destiné à créer non « l'avènement de renseignement professionnel et des écoles d'arts et métiers, mais bien celui dos savants, des lettres et des artistes » ; c'est-à-dire une nouvelle « aristocratie », d'après l'opinion des adversaires du projet adopté. Tout ce que put obtenir Bazire, parlant le langage le plus élevé au nom de la Science et de la Philosophie, ces mères de la Révolution, ce fut la suspension du décret et l'ajournement de la discussion, Celle-ci fut reprise trois mois après ; elle donna lieu aux Rapports d'une commission spéciale, désignée par le Comité de salut public, Rapports dans lesquels Fourcroy fulminait contre les « gothiques universités » et les « aristocratiques académies » et où Bouquier insistait sur la nécessité de proscrire à jamais « toute idée de corps académique, de société scientifique, de hiérarchie pédagogique »; ainsi que sur l'inutilité « d'une caste de savants spéculatifs, dont l'esprit voyage constamment par des sentiers perdus dans la région des songes et des chimères ». Les lettres, sciences et arts devaient fleurir, au sein de la paix, dans « les séances publiques des départements, des districts, des municipalités et surtout des sociétés populaires, vrais lycées républicains, où l'esprit humain se perfectionnera dans toute espèce d'art et de science ».
A la suite de ce Rapport, lu le 24 germinal an II (avril 1791), sept jours après la mort de Condorcet, la Convention décréta la liberté de renseignement à tous les degrés. Table rase était faite, quoique certains débris de l'ancienne organisation aient subsisté çà et là. Les Académies ne reparurent officiellement que deux ans après, sous le litre d'Institut, consacré par la loi du 3 brumaire an IV.
Cependant le travail des savants ne fut pas arrêté en 1793, au milieu des transformations radicales de la société française et des catastrophes qui se succédaient; pas plus qu'il ne le fut de notre temps, pendant la sombre période du siège de Paris. A défaut des Académies et des Sociétés officielles proscrites, les Sociétés libres y suppléèrent. La Société Philomathique, restée presque la seule des Sociétés savantes à ce moment critique de la Révolution, remplit à cet égard un rôle fondamental et tint la place de l'Académie des Sciences. Les premiers savants de l'époque s'y portèrent aussitôt, pour y exposer leurs découvertes.
C'est ce qui résulte du témoignage des contemporains et de la lecture des listes des membres de la Société, avec date de nomination.
Aux dix-huit membres qui existaient à la fin de 1791, cinq autres avaient été adjoints en 1702, et cinq autres dans les premiers de 1793, tous gens peu connus aujourd'hui. Mais un flot de savants s'y précipite, à la fin de cette dernière année.
Le 14 septembre 1793, la Société reçut parmi ses membres Berthollet, Lavoisier, Vicq d'Azyr, Ventenas, Lefevre-Gineau ; le 21 septembre, Leroy, Lamarck, Lelièvre, Fourcroy, Hallé; le 28 septembre, Monge, Prony (frère aîné de Riche), Jumelin; le 3 novembre 1793, Laplace, d'Arcet, Deyeux, Pelletier, Richard; le 13 décembre, Lacroix et Léveillé. Huit mois s'écoulent sans nouvelle adjonction et les nominations reprennent un cours à peu près régulier. On nomme alors : en 1794, sept nouveaux membres, dont Haüy et Berthoud; puis, le 13 janvier 1795, Étienne-Geoffroy Saint-Hilaire et Bosc; le 23 mars, Georges Cuvier; etc. Cela fait en tout quarante membres nouveaux jusqu'en 1790 : ce qui portait la Société, pertes déduites, à cinquante-six membres.
Cet état de choses est décrit en termes emphatiques dans un Rapport de Silvestre, adressé à la Société en 1798, et on il raconte « quel esprit de conduite vous a fait résister au torrent dévastateur, qui entraînait les matériaux dispersés du temple des arts, et comment votre Société, demeurée seule, ressemblait à ces monuments imposants que s'élèvent au milieu des déserts arides d'un pays jadis florissant ». Ainsi, dit-il encore : « votre société, modeste et libre, se soutenant par ses propres forces, n'ayant aucune grâce à attendre, devant tous ses succès à sa constance et au zèle de ses membres, marchait en silence vers son but unique. ».
Il nous apprend ensuite quel concours la Société a donné à la patrie, comment elle a tiré de son sein des commissaires, nommés « sur la demande des Comités de Salut public et de divers Ministres, ayant fait partie des Commissions longues et gratuites du Bureau de consultation des Arts et Métiers, du Jury des armes et de plusieurs autres travaux particuliers ».
En même temps, les cours publics dont la Société avait eu l'initiative [cette formulation n'est pas correcte. Les savants en général, dont bien sûr des membres de la Société Philomathique, avaient simplement et bien naturellement désiré donner des cours] prenaient un essor inattendu et tendaient à reconstituer, en dehors de l'État, un véritable établissement d'enseignement supérieur. Cet établissement, appelé d'abord du nom alors à la mode de Lycée et fondé ou accru en 1793, devint en 1803 l'Athénée des arts. C'est sous le nom de Lycée des Sciences et des Arts qu'il est surtout connu. Le nom de Lycée est plus ancien d'ailleurs et a été attribué d'abord à un établissement fondé dans les années qui ont précédé la Révolution et dans lequel ont professé, dés 1788, de La Harpe, Marmontel, Fourcroy, etc.; ce dernier établissement, qui avait pris le nom de Lycée républicain, est distinct de celui dont nous parlons ici.
Dans le numéro de juillet 1793 du Bulletin de la Société Philomathique, on annonce l'institution d'un Lycée pour les Sciences, les Arts et Métiers, siégeant au Palais-Royal. On y donnait dix-huit cours, quatre par matinée; la salle pouvait contenir deux mille auditeurs. Il était sous l'autorité d'un directoire, nommé par les Sociétés savantes. Il semble que le budget de rétablissement fût constitué, comme celui des théâtres, par le payement des places. En effet, il est dit que quatre cents places gratuites étaient données par les autorités constituées, les Sections, les Sociétés savantes de Paris. Tous les premiers dimanches de chaque mois, on faisait un expose public des découvertes récentes et l'on distribuait trois médailles aux travaux jugés les plus utiles. Le musicien Grétry, les chimistes Berthollet et Leblanc, l'horloger Berthoud, Borda, Parmentier, le peintre David, les comédiens Fréville et Molé figurent parmi les titulaires de ces médailles, du mois d'avril au mois de septembre 1703, Ce n'est pas ici le lieu de suivre la destinée de cet établissement ; mais il était intéressant d'en marquer l'origine, liée à la fois aux progrès de la Société Philomathique et a la destruction des Académies et Universités. C'est ainsi, je le répète, que la culture de la Science se pour suivit, mémo aux moments les plus tragiques de notre histoire.
Le Bulletin de la Société Philomathique imprimé à partir des numéros d'octobre et de novembre 1792 (n° 16 et 17), parut à peu près régulièrement. Il est entièrement consacré aux Sciences, sans qu'on y retrouve la trace de la Terreur, ni des péripéties grandioses de la Révolution. Tout au plus pourrait-on en entrevoir quelque indice dans des indications accessoires, telles que le nom des imprimeurs Dupont, inscrits à la fois d'abord comme imprimeurs-libraires de l'Académie des sciences, jusqu'au milieu de 1793, désignés comme citoyens à partir de 1793, etc., et leur adresse, marquée à partir de 1793, rue Helvétius, jusqu'en l'an IV, où reparaît le nom de rue de l'Oratoire-Saint-Honoré. De même, dans les désignations chronologiques, l'indication de décembre 1792 (n° 18} étant suivie de celle de l'an Ier de la République ; puis l'ancien calendrier subsiste jusqu'en octobre 1793 (n° 28), où à côté de ces mots, indiqués comme « vieux style », se trouvent ceux de vendémiaire, seconde année de la République, Désormais, jusqu'au n° 54, le dernier de la première du Bulletin (nivôse et pluviôse, an V), il n'est plus question de l'ancien calendrier.
Les comptes rendus des séances de l'Académie des sciences y figurent jusqu'en juillet 1793, et l'Institut national apparaît pour la première fois dans les n° 4l à 47 (fructidor, vendémiaire, brumaire et frimaire de l'an IV de la République). Les numéros comprennent tantôt un mois, tantôt deux, et jusqu'à quatre mois.
Quoique le Bulletin ait paru ainsi d'une façon ininterrompue, les travaux de la Société semblent avoir éprouvé quelque perturbation; car les Rapports généraux ont cessé à partir du commencement de 1792 : soit que toute l'activité des esprits se soit portée vers la politique, dans la crise terrible traversée par la France ; soit et plutôt que toute réunion, toute association étrangère aux passions du moment, fût devenue suspecte et risquât d'être fatale à ses membres. Peut être aussi Silvestre a-t-il cherché à se faire oublier pendant la Terreur ; surtout s'il avait dès lors les opinions qui lui ont valu, vingt ans après, le litre de baron, au temps delà Restauration. Quoi qu'il en soit, les Rapports généraux ont été repris seulement en 1798, par Silvestre, le 23 frimaire de l'an VI, le Rapport étant suivi de l'éloge du citoyen Riche par Georges Cuvier.
Dans l’intervalle on ne trouve qu'un Rapport sur les travaux de Parmentier, fait, le 7 juillet 1793, au Lycée des Arts, par Silvestre, en vue des médailles décernées par ce Lycée et communiqué à la Société Philomathique. Le Rapport général de 1798 comprend, dit Silvestre, « les travaux de la Société pendant le long intervalle écoulé depuis votre dernière séance d'anniversaire »; ce qui accuse bien une suspension temporaire.
Dans le Rapport de l’an VI, il est question des perles éprouvées par la Société pendant l’intervalle, et spécialement de celles de Lavoisier et de Vicq d'Azyr, que les contemporains paraissent avoir mis à peu près sur le même plan. « Parlerai-je de vos regrets sur la perte de Lavoisier et de Vicq d'Azyr, associés à vos travaux…? Leur éloge est dans toutes les bouches; leur souvenir est dans tous les cœurs. Ces deux savants également recommandables et dont la mort a pu être regardée comme une calamité pour les sciences et pour l'humanité… »; puis vient un parallèle entre les deux. Silvestre continue encore : « Lavoisier! Vicq d'Azyr! mortels vertueux qui avez si bien servi votre pays; qui tous deux, par des genres de mort différents, avez été sacrifiés sur le seuil même du temple de la gloire; vous qu'un sort meilleur devait attendre, vos noms réunis suffiraient pour honorer le siècle qui vous a produits et le sol qui vous a vu naître », etc.
Vicq d'Azyr est l'un des fondateurs de l'anatomie comparée; mais la perspective de la postérité ne saurait le mettre aujourd'hui sur le môme plan que Lavoisier. Il est mort naturellement d'ailleurs et Silvestre ne fait aucune allusion à la fin tragique de Lavoisier : les haines auxquelles il avait succombé étaient sans doute encore trop vivaces.
Le secrétaire de la Société, énumérant les travaux de celle-ci, parle des Commissions qui rendaient compte des séances de l'Institut national, de la Société d'Histoire naturelle, de la Société de médecine, de la Société médicale d'Émulation, de la Société philotechnique. « La Société du Point central de Paris et celles d'Émulation de Rouen, d'Histoire naturelle de Bordeaux, d'Agriculture et Arts de Boulogne, ajoute-t-il, se sont aussi empressées de correspondre avec vous. » Cette énumération nous donne une idée du degré d'extension de la culture des sciences en France à celte époque, et du nombre croissant, mais encore bien limité, de leurs adeptes.
Silvestre parle également de la Bibliothèque de la Société, qui subsiste encore aujourd'hui et renferme des Ouvrages précieux, ainsi que de ses Collections de minéraux, insectes, plantes, oiseaux, lesquelles ont disparu.
Vers le même temps, le Bulletin commence une nouvelle série, à partir du mois d'avril 1797 (germinal an V). Il redevient tout à fait mensuel; il est paginé par volume, au lieu de l'être par numéro, comme autrefois, et il parait régulièrement.
A ce moment, la Société Philomathique semble avoir éprouvé une reconstitution, qui l'a amenée à sa forme définitive, telle qu'elle a subsisté jusqu'à nos jours. Silvestre annonce en effet, dans son Rapport, que la Société a décidé la fixation du nombre de ses membres, craignant que leur trop grand accroissement ne nuisît à l'Association, en affaiblissant l'intimité qui lui avait donné naissance.
En fait, elle s'était adjoint, en 1790, sept membres nouveaux, dont Larrey, Daubenton, Duméril, qui a vécu jusqu'à nos jours (1860); en 1797, neuf membres, dont Bouillon-Lagrange, de Lasteyrie, Alibert, Adet, etc. Le nombre total des membres s'était ainsi accru jusqu'à dépasser 70; le nombre des vacances annuelles ne surpassait pas deux jusque-là.
On ne pouvait continuer ainsi, sans altérer profondément le caractère de la Société. De là le nouveau règlement, à la suite duquel un certain nombre de membres disparaissent et d'autres deviennent honoraires : les nominations nouvelles n'ont plus eu lieu dès lors qu'au fur et à mesure des vacances. La période de fondation est close; la Société ne s'agrège plus de nouveaux membres que par voie de remplacement.
Le règlement qui se trouve en rôle du premier Volume des Rapports généraux parait, en effet, avoir été rédigé vers 1797 ou 1798, le Volume ayant été imprimé, en l'an VIII, aux frais de l'Administration centrale du département de la Seine, ainsi qu'il est dit à la page 212. Ce règlement indique que la Société s'occupe des sciences suivantes : « l'Histoire naturelle, l'Anatomie, la Physique, la Chimie, l'Art de guérir, les Arts mécaniques et chimiques, l'Économie rurale et le Commerce, les Mathématiques, l'Archéologie ».
« Elle est formée de membres, au nombre de cinquante, astreints à un travail périodique et à une présence habituelle aux séances; d'associés libres que leur âge ou leurs occupations empêchent d'assister régulièrement aux séances et de correspondants », obligés également à une collaboration effective.
Les revenus sont tirés de la vente du Bulletin et des ouvrages de la Société et des contributions de ses membres, l'une régulière et annuelle, l'autre en raison des absences. Ces sources de revenus étaient minimes, à cause du nombre limité des membres, et, plus d'une fois, dans le cours de son existence, la Société éprouva des embarras pour publier sou Bulletin et môme pour subsister, faute d'un capital de réserve. Les inconvénients qui résultent d'un pareil état de choses pour une Société sont peut-être préférables à ceux qui naissent d'une trop grande richesse, laquelle engendre la nonchalance, le parasitisme, les dépenses superflues et tend à perpétuer indéfiniment des associations devenues stériles, dont les réserves prennent ainsi le caractère des biens de main-morte. Mais la Société Philomathique ne fut jamais exposée à ce risque.
Sa constitution intérieure se ressent de ses origines. Elle était et a toujours été éminemment égalitaire et républicaine. D'après le règlement précité : point de fonctions perpétuelles; le Président est nommé pour trois mois et ne peut être continué; le Secrétaire est élu pour deux ans et inéligible, etc. La rédaction du Bulletin est confiée à six commissaires annuels, adjoints au Secrétaire. Les Membres et Correspondants ont le droit d'amener les personnes de leur connaissance aux séances de la Société. On voit que celles-ci n'étaient pas publiques, pas plus alors que celles des Académies. Chaque année, le 20 nivôse, anniversaire de sa fondation, la Société tient une séance extraordinaire, dans laquelle le Secrétaire doit lire l'analyse des travaux pendant l'année, ainsi que des Notices sur la vie et les Ouvrages des hommes illustres que la Science aurait nouvellement perdus.
Cette organisation n'a éprouvé, depuis lors, que de légers changements.
Les hommes les plus considérables dans la Science ont tenu à l'honneur de faire partie de la Société Philomathique et à y apporter les prémices de leurs découvertes. Beaucoup ont fait leurs débuts sur ce théâtre modeste et sympathique à la jeunesse, qui s'y trouvait plus a l'aise que dans les séances imposantes de l'Institut.
J'ai déjà cité les noms de quelques-uns des membres de la Société philomathique, antérieurs à l’an VI. Elle ne se renouvelle désormais que par substitution. C'est ainsi qu'y entrèrent : en l'an VII (1798) Chaptal; en 1797, Bichat; en 1800, de Candolle et Biot, que nous avons connu, car il est mort en 1861; en l'an XI Frédéric Cuvier et Mirbel.
A ce moment, Lamarck et Duchesne étaient membres émérites. Bientôt apparaît une nouvelle génération, dont plusieurs représentants ont été les contemporains de nôtre jeunesse » Sans nous borner à ces derniers, nous citerons, parmi les plus illustres, Thenard (nommé en 1803), Poisson (1804), Gay-Lussac et Savigny (1808), Dupuytren (1800), Ampère (1807); puis Chevreul (1808), le doyen centenaire de la Science française, Malus et Arago (1810), de Blainville et Dulong (1812), Magendie (1813), Cauchy (1814), les deux Edwards (1818 et 1835), Fresnel (1819), Constant Prévost (1822), Becquerel (1823), Savart, Dumas et Adri. de Jussieu (1820). Élie de Beaumont (1820), Coriolis (1830), etc. Je n'irai pas plus loin, pour m’arrêter aux hommes de notre temps.
La Société Philomathique devint ainsi, il y a cinquante ou soixante ans, comme une seconde Académie des Sciences, ou bien, suivant une expression familière, comme une antichambre de l'Académie. Quoique moins recherchée peut-être dans ces dernières années, la Société Philomathique a compté depuis et compte encore aujourd'hui dans son sein, tant comme honoraires que comme titulaires, la plupart des savants français les plus célèbres.
Au commencement, il n'y avait pas de Sections proprement dites, quoique les membres fussent distribués en fait, « suivant le genre de leurs connaissances ». Le partage en sections apparaît, pour la première fois, d'une manière explicite, en 1821, dans tes listes des membres imprimées chaque année.
Voici la liste des publications de la Société, liste qui nous permet d'en suivre l'histoire jusqu'à notre temps.
Les Rapports généraux annuels de la Société Philomathique de Paris par ses secrétaires, forment quatre Volumes, de 1792 à l'an VIII. Le premier Volume comprend l'année 1790, objet de deux Rapports semestriels par Riche, et l'année 1791, objet d'un rapport par Silvestre, avec des Notices sur l'abbé de l'Epée, Howard et Audirac par Riche, et sur Parmentier, Bayen, Peltier, Deleyre et Nivernois (ce dernier est mort en 1798) par Silvestre : Notices lues les unes à la Société Philomathique, les autres au Lycée républicain et au Lycée des arts. Le Volume a été imprimé en l'an VIII et porte en tête le Règlement de la Société à cette époque.
Un autre Volume renferme le Rapport général des travaux, depuis 1792 jusqu'au 23 frimaire an VI, par Silvestre, avec l'éloge de Riche par Cuvier.
Le troisième Volume renferme le Rapport des travaux jusqu'au 30 nivôse an VII, par Silvestre, suivi de l'éloge de Bouguer par Cuvier, et de celui d'Eckhel par Millin.
Le quatrième Volume contient le Rapport de l'année suivante, jusqu'au 20 frimaire an VIII, suivi de l'éloge de Borda par Lacroix, de Bloch par Coquebert, et d'une Notice historique sur Pia par Silvestre.
A ce moment ces Rapports cessent de former une publication distincte; sans doute parce que les Rapports annuels publiés au nom de l'Institut national ont paru les rendre inutiles.
Le Bulletin des sciences de la Société Philomathique a eu une existence plus durable. Il a paru pendant longtemps dans le format in-4°. Le tome I comprend la réimpression (faite en 1802) des cinquante-quatre premiers numéros, les uns manuscrits, comme il a été dit plus haut, les autres déjà imprimés, mais épuisés, de juillet 1791 à l'an V, avec planches, sous le titre de Bulletin de la Société Philomathique à ses correspondants. Puis vient une suite, le Bulletin des sciences, qui embrasse les années 1797 et 1798, jusqu'au mois de ventôse, an VII.
Le tome II embrasse les années 1799 et 1800, jusqu'au 20 mars 1801 (1er germinal an IX).
Le tome III, les années 1801 à 1804. Le tout forme la première série du Bulletin.
En mars 1805, la publication fut interrompue par « des embarras étrangers à la Société Philomathique ». On l’a reprise seulement en 1807 sous le titre : Nouveau Bulletin des sciences par la Société philomathique de Paris. C'est la deuxième série, qui a duré de 1807 à 1815.
Une troisième série, sous le titre de Bulletin des sciences commença en 1814 et dura jusqu'en 1826.
Ce Bulletin avait au début une importance considérable. En effet, les temps de l'Empire et de la Restauration furent l'époque la plus brillante peut-être de la Société Philomathique. Indépendamment des extraits des mémoires présentés à l'Institut, qui en forment le fond, on vit alors paraître dans son Bulletin des travaux originaux et inédits. Pour n'en citer qu'un seul, c'est là que Gay-Lussac donna d'abord son célèbre Mémoire sur les combinaisons des substances gazeuses.
Cependant les journaux de tout genre se multipliaient, ils rendaient à l’envi compte des travaux des sociétés savantes, et le Bulletin ne put continuer à faire les frais nécessaires pour soutenir une concurrence, chaque jour plus ardente. En 1826, il cessa de paraître.
Cependant le Bulletin de la société reparut de nouveau, toujours in-4°, en 1832 et 1833 (4e série); mais il ne tarda pas à subir une nouvelle éclipse. Arago, secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences, s'étant décidé a publier, en 1835, les Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie, cette prompte et facile publicité, alimentée par les extraits de Mémoires présentés directement à l'Académie, et faite avec les puissantes ressources de ce corps savant, rendit inutile la publication partielle et abrégée de la Société Philomathique. Les sociétés savantes, dont elle rendait compte autrefois, avaient également adopté l'usage de publier elles-mêmes leur propre bulletin, et la Société dut se borner désormais à imprimer les Notes et Mémoires qui lui étaient présentés directement, renonçant aux anciens comptes rendus, qui avaient fait autrefois le principal attrait du Bulletin.
Celui-ci même cessa, pour un temps, de former une publication autonome. Les Notes de la Société furent reproduites d'abord et à mesure dans le journal l’Institut, puis réunies, à la fin de l'année, en un volume, qui remplaça l'antique Bulletin périodique. Les choses ont marché ainsi pendant une quarantaine d'années, en donnant lieu à une cinquième série, en huit volumes (1836-1863) » et à une sixième série, en cinq Volumes (1864-1876). Cela dura jusqu'au jour où le journal l'Institut s'étant éteint, la Société dut reprendre à son compte la publication du Bulletin, qui parait aujourd'hui en Cahiers trimestriels, renfermant les Mémoires originaux et inédits des membres de la Société.
C'est la septième série, qui court depuis 1876. La Société a éprouvé une autre transformation non moins considérable, depuis une trentaine d'années. Jusque vers 1850, c'était la principale Société où l'on s'occupait de science pure; les physiciens, les chimistes, les mathématiciens, les naturalistes s'y réunissaient volontiers, pour y causer de leurs travaux et échanger leurs idées et leurs impressions, avec le même abandon que les anciens fondateurs. Mais, à cette époque, par suite de la multiplication toujours croissante des adeptes des sciences, une Société unique cessa de pouvoir en embrasser le vaste ensemble, et des Sociétés spéciales se fondèrent de toutes parts.
Il y a là des nécessités qui s'imposent, un courant qu'il n'est au pouvoir de personne d'arrêter. Cependant les Sociétés scientifiques d'un caractère général, telles que la Société Philomathique et l'Académie des sciences elle-même, ont conservé un rôle essentiel et qu'il importe de ne pas laisser s'affaiblir, si l'on veut maintenir à la Science son esprit philosophique et son rôle prépondérant dans l'histoire delà civilisation humaine.